NIGER : Boko Haram, une menace pour l’avenir et le développement
Par Facinet Sylla
Le Niger subit de fortes pressions aux plans démographique et budgétaire. Sa marge de manœuvre, pour se bâtir un développement soutenable, est étroite.
Avec un rythme annuel de 3,9 %, le taux de croissance démographique du Niger s’avère le plus élevé au monde ; et sa population – 17,1 millions d’habitants lors du recensement de 2012 –, double tous les 18 ans. Les jeunes de moins de 15 ans représentent 51,6 % de la population. Que compte faire le gouvernement nigérien pour les 34,2 millions de citoyens qui peupleront le pays en 2030 ? Ne pas investir suffisamment dans ce capital humain et physique risque de faire de la jeunesse un vivier dans lequel pourront puiser les instigateurs d’actes de rébellion ou de déstabilisation.
Par ailleurs, la chute des recettes douanières à la frontière avec le Nigeria, conjuguée à la hausse des dépenses publiques (salariales et sécuritaires), exerce une forte pression sur les finances de l’État : estimé à 7,7 % du PIB en 2014, le déficit budgétaire risque d’être à deux chiffres en 2015, alors que les prévisions initiales tablaient sur seulement 3 %.
Malgré l’impact qu’exercent les conflits en Libye et au Mali sur les finances publiques depuis 2011, le gouvernement du Niger est parvenu, jusqu’ici, à consacrer une part de plus en plus importante de ses revenus domestiques aux dépenses en capital ; à maintenir la masse salariale et le volume des achats de biens et services dans des proportions soutenables (voir graphique).
Source : graphique de l'auteur à partir des données et prévisions de la Banque et des autorités nigériennes.
Dans ce contexte, l’irruption de Boko Haram sur le sol nigérien a des conséquences dramatiques, tant sur les populations, que sur l’activité économique tout le long de la frontière avec le Nigeria. Le conflit que nourrit Boko Haram pourrait mener au report, voire menacer des investissements pourtant vitaux pour un développement durable du pays et, partant, entrainer une forte tension pour les finances publiques.
Si le conflit avec Boko Haram venait à durer, il pourrait compromettre la concrétisation d’investissements directs étrangers (IDE) d’ampleur pour le pays et ses voisins. Ainsi, la construction du pipeline, qui doit relier la zone de production pétrolière au Niger et traverser le Tchad pour acheminer le pétrole jusqu’au port de Kribi, au Cameroun, serait retardée. Or le Niger compte transporter l’équivalent de plus de 60 000 barils/jour de pétrole d’ici 2017 par ce pipeline. Une fois achevé, celui-ci permettrait de doper la production pétrolière du pays, qui pourrait atteindre 24 % du PIB marchand en 2017 – contre 7,8 % en 2014. Force est de constater que l’engagement du Tchad aux côtés du Cameroun et du Niger dans la lutte contre Boko Haram relève aussi d’enjeux économiques cruciaux pour les trois pays.
Pour équilibrer les finances publiques et répondre à ses engagements extérieurs, le gouvernement nigérien risque de voir dans les dépenses en capital une variable d’ajustement. Tel est l’un des défis que pose la déstabilisation du Niger et de ses voisins : privilégier les dépenses sécuritaires au détriment de celles qui bâtissent l’avenir d’un pays. Cet arbitrage budgétaire peut, certes, permettre de vaincre Boko Haram pour un temps ; mais le manque d’infrastructures, nécessaires au développement des régions enclavées – à l’instar de Diffa –, ne fera qu’alimenter d’autres sources de déstabilisation et de fragilité. D’où l’importance, pour le gouvernement nigérien, de maintenir le rythme des dépenses d’investissement, quelles que soient les contraintes sécuritaires actuelles. Pour y parvenir en ces temps difficiles, le Niger doit pouvoir bénéficier de l’appui franc et massif de tous ses partenaires. Dans cette optique, le fonds d'urgence (76 millions d'euros) que les pays d’Afrique centrale ont constitué pour appuyer la lutte contre Boko Haram est un pas dans la bonne direction. Il serait bon que l’Afrique de l’Ouest suive cet exemple.
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Again thanks for the paper.