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Lancement de la livraison des Perspectives économiques en Afrique 2023 du Groupe de la Banque africaine de développement - Présentation par Prof. Kevin Chika Urama, FAAS Chef économiste et vice-président Groupe de la Banque africaine de développement

  • Assemblées annuelles du Groupe de la Banque 2023 Charm El-Sheikh, Égypte. Mercredi 24 mai 2023
01-juil-2023

Excellences, Distingués invités, Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous présenter aujourd’hui les conclusions des Perspectives économiques en Afrique 2023 dont le thème est « Mobiliser les financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique », qui est également le thème des présentes Assemblées annuelles.

Le rapport est structuré en trois chapitres. Le premier chapitre donne un aperçu de la performance et des perspectives économiques en Afrique. Le deuxième chapitre aborde le financement du secteur privé en faveur de l’action climatique et de la croissance verte en Afrique. Le troisième chapitre examine la façon dont le capital naturel peut être exploité en faveur du financement climatique et de la croissance verte en Afrique. Le rapport fournit ensuite un certain nombre de recommandations qui portent sur des mesures essentielles que chaque partie prenante pourrait prendre pour favoriser le progrès.

 

Chapitre 1: Performance et perspectives économiques en Afrique

À l’instar d’autres régions, l’Afrique a été frappée de plein fouet par de nombreux chocs qui se sont produits simultanément sur la scène mondiale, par exemple le resserrement des conditions financières dans le monde, les tensions dans la chaîne de l’offre, l’atonie de la croissance dans le monde, les effets résiduels de la pandémie et les impacts croissants des changements climatiques et des phénomènes météorologiques extrêmes.

En dépit d’importantes volatilités et vulnérabilités occasionnées par la convergence de ces chocs mondiaux, les économies africaines ont fait preuve d’une résilience remarquable. Le taux de croissance moyen du PIB en termes réels devrait s’établir à 3,8 % en 2022, en baisse par rapport à 4,8 % en 2021 mais au-delà du taux moyen mondial de 3,4 %.

Pour l’avenir, le taux de croissance moyen pour l’Afrique devrait se redresser pour atteindre 4 % en 2023 et 4,3 % en 2024.

Les sept économies les plus performantes de l’Afrique, soit la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, la Libye, le Niger, le Rwanda, le Sénégal et l’Ouganda, dont la croissance dépassera 6,5 %, devraient retrouver en 2023-2024 leur place dans le groupe des 10 économies affichant les taux de croissance les plus rapides dans le monde.

Le redressement et les perspectives de croissance ne se dessinent pas de la même façon pour chaque région et chaque groupe de pays en Afrique. Il s’agit là d’un point important à garder à l’esprit pour cibler des investissements privés dans les domaines du financement climatique et de la croissance verte dans les pays et éviter des généralisations.

L’Afrique de l’Est est la seule région qui n’a pas connu de récession dans le sillage de la pandémie du COVID-19, grâce à sa structure de production plus diversifiée. La croissance dans cette région devrait augmenter pour atteindre 5,1 % en 2023, contre 4,4 % en 2022.

En Afrique centrale, la croissance devrait se ralentir pour s’établir à 4,9 % en 2023 et se stabiliser à 4,6 % en 2024, à la faveur de la reprise de la demande de produits de base et de l’amélioration des conditions intérieures, ce qui soutient l’investissement, après la faible performance induite par la pandémie du COVID-19. Les pays d’Afrique centrale sont principalement des exportateurs nets de pétrole brut, de minéraux et d’autres produits de base comme le bois d’œuvre.

La croissance en Afrique australe, qui a reculé de 4,4 % en 2021 pour s’établir à 2,7 % en 2022, devrait se ralentir davantage pour toucher un creux de 1,6 % en 2023, avant de se redresser pour atteindre 2,7 % en 2024.

En Afrique du Nord, le taux de croissance devrait augmenter pour atteindre 4,6 % en 2023 et 4,4 % en 2024. Cette région a été touchée par un tassement marqué de l’activité en Libye (6 % du PIB de la région) et PAR les effets de la sécheresse au Maroc (20 % du PIB de la région).

En Afrique de l’Ouest, le taux de croissance devrait également augmenter légèrement pour s’établir à 3,9 % en 2023, contre 3,8 % en 2022.

Du point de vue des caractéristiques économiques, les économies qui ne dépendent pas des ressources, principalement les pays jouissant de structures économiques plus diversifiées, préserveront probablement leur résilience. La croissance moyenne pour ce groupe de pays devrait atteindre 5,0 % en 2023 et 5,6 % en 2024, contre 4,4 % en 2022.

Les économies qui dépendent du tourisme ont affiché un taux de croissance estimatif de 8,4 % en 2022, maintenant ainsi l’élan pris en 2021, mais cette croissance devrait se ralentir pour passer à 4,9 % et à 4,4 % en 2023 et en 2024 respectivement, si les conditions défavorables persistent sur les marchés mondiaux.

De plus amples renseignements sur les facteurs clés de la croissance et des variations observées par région et par caractéristique économique sont fournis dans le rapport.

Mais ces perspectives positives généralisées doivent être traitées avec un optimisme mesuré, étant donné que les facteurs macroéconomiques fondamentaux clés de différents pays demeurent précaires. 

À la lumière de la forte appréciation du dollar EU, la dynamique des taux de change en Afrique est mitigée, la plupart des monnaies africaines s’étant dépréciées par rapport au dollar en 2022.

Les principaux pays africains exportateurs de produits de base, à l’exception de l’Angola dont la monnaie s’est appréciée de 27,1 %, ont vu la valeur de leurs monnaies fortement baisser en dépit du renchérissement des produits de base sur les marchés internationaux en 2022.

En outre, la montée des taux d’intérêt a entraîné l’augmentation des coûts du crédit pour les pays africains.

Les taux de dépréciation ont également alimenté la hausse de l’inflation, aggravant ainsi une situation de taux d’inflation déjà élevés en Afrique.

La hausse moyenne des prix à la consommation en Afrique a atteint 14,2 % en 2022, contre 12,9 % en 2021, et devrait s’accélérer davantage pour atteindre un niveau record de 15,1 % en 2023, avant de retomber à 9,5% en 2024.

Cela indique un retour graduel aux taux d’inflation atteints avant la pandémie du COVID-19, soit 9,0 % en 2019 et 9,7 % en 2014-2018, à condition que les conditions extérieures restent stables.

La montée brutale de l’inflation s’explique par des facteurs intérieurs comme la sécheresse, l’augmentation des investissements publics et, plus important encore, l’effet direct de l’inflation importée et de facteurs externes comme le renchérissement des prix du pétrole et de l’alimentation, ainsi que les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement, tout cela amplifié par les goulots d’étranglement structurels dans plusieurs pays.

Face à des taux d’inflation plus élevés que prévu, les banques centrales ont adopté une politique monétaire restrictive énergique, en s’inspirant des mesures prises par les autorités monétaires dans les économies avancées. La politique monétaire agit graduellement, mais elle porte ses fruits.

Une nouvelle escalade de l’invasion prolongée de l’Ukraine par la Russie pourrait perturber davantage les chaînes d’approvisionnement déjà mises à mal et inverser le repli récent des cours mondiaux des produits de base, ce qui pourrait nuire à la croissance dans les pays africains importateurs nets de ces produits.

De plus, les vulnérabilités liées à la dette ont continué de s’aggraver sous l’effet de la dépréciation rapide des monnaies, des déficits primaires élevés et du durcissement des conditions financières sur les marchés mondiaux.

Le surendettement des entités souveraines continue d’exercer de fortes pressions sur les soldes budgétaires déjà limités de plusieurs pays africains, et le durcissement des conditions financières sur les marchés mondiaux continue de peser sur les facteurs de vulnérabilité liés à l’endettement.

L’endettement public médian estimatif en Afrique a baissé de 68 % du PIB en 2021 à 65 % en 2022 à la faveur des initiatives d’allégement de la dette. Toutefois, ce ratio reste plus élevé que le taux de 61 % du PIB enregistré avant la pandémie et devrait augmenter davantage pour atteindre 66 % en 2023, avant de se stabiliser à 65 % en 2024.

Une décomposition des flux de capitaux qui entraînent un alourdissement de l’endettement montre que la dépréciation prévisionnelle des taux de change et des déficits primaires élevés auront un plus grand impact cumulé sur la dynamique de l’endettement extérieur que les facteurs historiques comme la croissance du PIB en termes réels.

Les dépenses en intérêts pourraient également contribuer fortement à l’alourdissement de l’endettement par le biais de l’augmentation des taux d’intérêt nominaux induite par l’orientation actuelle de la politique monétaire dans le monde.

En général, le durcissement des conditions financières dans le monde a entraîné l’augmentation des coûts du service de la dette et du risque de défaut souverain. L’augmentation des taux d’intérêt a donné lieu à la hausse des coûts d’emprunt pour les pays africains. Cette situation est aggravée par la hausse des paiements en dollars EU, ce qui alourdit les coûts globaux du service de la dette.

Les paiements moyens au titre du service de la dette extérieure en pourcentage des recettes publiques sont passés de 6,8 % à 10,9 % entre 2015–2019 et 2020–2022 respectivement.

Les paiements médians au titre du service de la dette en 2020 – 2022 pour les pays faisant face à un risque de surendettement ont représenté plus de 11,3 % des recettes publiques, contre 8,6 % en 2015 – 2019.

Même dans les pays où les paiements en intérêts ont reculé, le service de la dette total a augmenté par rapport au niveau atteint avant la pandémie, ce qui montre que les remboursements de capital ont été la composante dominante du service de la dette en 2020–22 dans ces pays.

Les 25 pays africains qui étaient exposés à un risque élevé de surendettement ou déjà en situation de surendettement en février 2023 ont accusé l’augmentation la plus forte du fardeau du service de la dette.

Les risques de défaillance de la part d’emprunteurs souverains préoccupent donc le secteur financier, beaucoup de pays africains faisant face à des charges élevées et en hausse au titre du service de la dette.

Dans l’ensemble, en dépit de signes d’une résilience remarquable, les perspectives de croissance et les facteurs macroéconomiques fondamentaux varient fortement d’une région à l’autre en Afrique. Les investisseurs potentiels devraient éviter de tomber dans des généralisations, c’est-à-dire d’extrapoler les risques associés aux investissements à partir des conditions observées dans quelques pays africains. L’Afrique comprend 54 pays souverains ayant des structures économiques, des perspectives de croissance et des environnements d’investissement différents.

Pour faire face à cette diversité, le Groupe de la Banque africaine de développement publiera les Perspectives économiques régionales et les rapports pays en juin 2023 et en juillet 2023 pour fournir des analyses en profondeur sur la performance et les perspectives des cinq communautés économiques régionales et des 54 pays africains respectivement.

Il existe toutefois des risques fondamentaux à surveiller à court et à moyen terme dans les économies africaines, par exemple :

L’atonie de la croissance mondiale et le tassement de la demande dans les principaux marchés d’exportation de l’Afrique.

Les taux d’intérêt élevés, le coût élevé du service de la dette et les risques connexes de surendettement et de défaillances éventuelles d’emprunteurs souverains.

Les impacts physiques des changements climatiques, qui entraînent une augmentation des coûts liés aux pertes et dommages découlant des phénomènes météorologiques extrêmes et la détérioration des déficits des finances publiques dans les pays.

La dépendance aux produits de base et la forte instabilité des cours de ces produits continuent de freiner la mobilisation de revenus intérieurs et ne permettent pas aux pays de planifier aisément la mise en œuvre de programmes de développement à moyen terme.

Le rapport montre de quelle façon ces risques pèsent sur le financement du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte, et des analyses en profondeur aux niveaux régional et national sont fournies dans les Perspectives économiques régionales et les Rapports pays, qui seront lancés en juin et juillet respectivement.

Dans l’ensemble, l’orientation de l’économie africaine reste positive et résiliente. Toutefois, un optimisme mesuré est de rigueur compte tenu des conditions dans le monde présentées dans le rapport.

Le deuxième chapitre du rapport s’est penché sur les façons innovantes de mobiliser le financement du secteur privé en faveur de l’action climatique et de la croissance verte en Afrique.

Le rapport souligne le fait que l’Afrique est une terre d’opportunités pour des investissements rentables dans des solutions climatiques et des marchés de croissance verte, avec des additionnalités importantes au plan du développement économique et la fourniture de biens d’intérêt public mondiaux.

En premier lieu, le rapport démontre l’importance de la promotion de la croissance verte en Afrique.

Les analyses montrent qu’il existe une corrélation positive entre la croissance verte et la croissance du PIB en termes réels, la résilience et l’état de préparation climatiques. Les objectifs de l’action climatique et de la croissance verte se renforcent donc mutuellement.

Les pays performants au regard de la croissance verte enregistrent également une croissance économique plus forte, une résilience et un état de préparation plus élevés face au climat, et sont moins vulnérables aux chocs climatiques.

Il est donc dans l’intérêt des pays africains de promouvoir la croissance verte, étant donné que celle-ci peut contribuer au renforcement de la durabilité et de l’inclusivité et, partant, à la réduction de la pauvreté.

On entend par croissance verte la promotion et la maximisation des opportunités découlant de la croissance économique par le biais du renforcement de la résilience, de la gestion efficiente et durable des actifs naturels de manière et de l’amélioration de la productivité des ressources, et la promotion du développement d’infrastructures durables aux fins d’un développement inclusif.

Mais il existe ce que j’appelle le « paradoxe du développement vert en Afrique ».

L’Afrique est le marché frontière actuel et futur en termes d’opportunités dans le domaine de la croissance verte dans le monde. Elle dispose de tout ce qui est nécessaire pour faire avancer le programme d’action concernant la croissance verte, qui vise à accélérer la réalisation des objectifs de développement économique et social.

 

L’Afrique :

Une économie de 2 970 milliards de dollars EU avec 5 des économies affichant le plus fort taux de croissance au monde.

Une population jeune et très dynamique de 1,42 milliard d’habitants actuellement et qui devrait atteindre 2,4 milliards à l’horizon 2050.

D’immenses ressources naturelles, y compris 45 % du potentiel technique dans le domaine de l’énergie de sources renouvelables, soit le niveau le plus élevé au monde ; environ 65 % des terres arables non cultivées dans le monde ; 30 % des réserves minérales dans le monde ; et plus encore. C’est là l’objet du troisième chapitre du rapport.

Peu d’infrastructures existantes produisant des taux élevés d’émissions.

Les taux de défaillance les plus faibles dans le financement de projets d’infrastructures.

Et une volonté politique forte et croissante pour la transition vers la croissance climato-intelligente et verte.

Cependant, en dépit de toutes ces potentialités, l’Afrique reste à la traîne d’autres régions du monde sur le plan de l’exploitation des opportunités, des technologies et des marchés dans le domaine du climat et de la croissance verte.

Comme le dit toujours le président Akinwumi Adesina, l’Afrique ne peut pas se nourrir du potentiel. Personne ne fume le gaz naturel et personne ne boit le pétrole brut.

Le rapport indique que le score de l’Afrique à l’indice de la croissance verte n’a été que de 48,2 en moyenne entre 2010 et 2021, loin derrière l’Asie de l’Est et le Pacifique, l’Amérique latine et les Caraïbes, l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie centrale.

Pour toutes les opportunités dans le domaine de la croissance verte – commerce vert, emploi vert, innovation verte et investissement – l’Afrique accuse du retard par rapport à toutes les autres régions du monde.

Les parts estimatives moyennes de ces indicateurs clés à l’échelle mondiale qui reviennent à l’Afrique sont :

Environ 1,5 % pour le commerce vert entre 2010 et 2020, contre 3 % au minimum dans d’autres régions du monde.

Environ 2,5 % de l’emploi vert entre 2010 et 2020, soit moins de la moitié de la part des autres régions du monde.

Environ 3,6 % de l’investissement vert, contre au minimum 6 % pour d’autres régions du monde.

S’agissant de la protection du capital naturel, les progrès sont toujours lents, les pays africains continuant de faire face aux flux de ressources et aux flux financiers illicites.

S’agissant de l’utilisation des ressources de manière efficiente et durable et de l’inclusion sociale, l’Afrique est presque à égalité avec d’autres régions du monde, à la faveur des progrès enregistrés dans l’amélioration de l’accès aux services et aux ressources de base comme l’eau, l’assainissement, l’électricité et les combustibles propres, et dans le renforcement de l’équilibre et de l’équité sociale entre les hommes et les femmes.

Globalement, l’Afrique n’a même pas encore parcouru la moitié du chemin vers la réalisation des cibles en matière de croissance verte et de durabilité.

Et le secteur privé s’est montré peu enclin à s’engager dans l’action en faveur du climat et de la croissance verte.

Sur les 29,5 milliards de dollars EU de flux de ressources pour le financement d’actions climatiques vers l’Afrique en 2019/2020, le financement privé n’a représenté que 4,2 milliards de dollars, soit 14 %. C’est la part la plus faible par rapport aux autres régions du monde.

De plus, pour chaque dollar de fonds publics investi, les pays africains n’ont été en mesure de mobiliser que 16 cents, ce qui représente encore la part la plus faible par rapport aux autres régions du monde. Par exemple, en Amérique du Nord, le ratio de levier est de 18,5 dollars, et en Asie du Sud et en Amérique latine, il est au moins de 50 cents.

Par ailleurs, comme l’indiquent les Perspectives économiques en Afrique (PEA) 2022, le modèle de financement climatique mondial actuel n’est pas en phase avec la vulnérabilité et les risques climatiques. Les pays vulnérables aux effets des changements climatiques sont moins susceptibles d’obtenir des financements en faveur d’actions climatiques.

En revanche toutefois, les besoins de l’Afrique en matière de financement climatique et de croissance verte sont considérablement élevés. Pour mettre en œuvre les contributions déterminées au plan national à l’horizon 2030, l’Afrique aura besoin d’un montant cumulé moyen de 2 700 milliards de dollars EU, soit 242,4 milliards de dollars annuellement.

Si le secteur privé devait combler le déficit de financement résiduel, il aurait à fournir annuellement 213,4 milliards de dollars jusqu’en 2030.

Les flux de financement climatique privés vers l’Afrique devront augmenter jusqu’à 36 % pour combler le déficit estimatif de financement climatique à l’horizon 2030.

Un autre défi est que les instruments de financement privé et les secteurs visés tendent à privilégier respectivement les emprunts aux conditions du marché et l’atténuation, ce qui a des implications pour la vulnérabilité à l’endettement et les capacités d’adaptation des pays vulnérables aux impacts climatiques.

Le secteur privé utilise divers instruments de financement pour ses investissements climatiques en Afrique, mais 90 % de ces instruments sont déployés par le biais d’emprunts non concessionnels et de prises de participation.

Jusqu’ici, environ 74 % de ces investissements ont été effectués dans les systèmes énergétiques, principalement des projets d’énergie de sources renouvelables, pendant que d’autres secteurs fortement vulnérables aux changements climatiques avec n’ont bénéficié que d’un quart de l’ensemble des flux de financement en faveur d’actions climatiques.

Encore une fois, cela illustre le fait que le financement climatique tend à cibler l’atténuation, comme il est présenté dans les PEA 2022. La plus grande proportion des financements climatiques privés en Afrique a été consacrée à l’atténuation, ce qui a créé un manque important de ressources pour l’adaptation, les pertes et les dommages et d’autres besoins dans les domaines des infrastructures durables, du transport, de l’agriculture, etc. qui pourrait permettre de réaliser des objectifs de croissance inclusive et verte et des taux de rendement élevés ajustés en fonction des risques.

Le rapport met en relief le fait que les investissements dans des secteurs de développement résilients à faible émission de carbone en Afrique offrent au secteur privé de grandes opportunités de rendements supérieurs.

Le secteur agricole et agroindustriel de l’Afrique est évalué à 300 milliards de dollars (en 2022) et a le potentiel pour se muer en un marché de 1trillion de dollars à l’horizon 2030.

Dans le secteur de l’énergie, le marché de l’énergie de sources renouvelables demeure une priorité (44,8 % du potentiel technique mondial), mais il existe d’autres opportunités pour des investissements en faveur d’initiatives climatiques qui doivent être prises en compte, par exemple les constructions écoénergétiques, les transports à faible émission de carbone, etc. La taille totale du marché est évaluée à 1 030 milliards de dollars jusqu’en 2030.

Le marché africain des TIC devrait augmenter pour passer de 95,4 milliards de dollars en 2020 à 104,2 milliards de dollars d’ici la fin de 2022.

S’agissant du marché des transports, l’Afrique a le potentiel pour prendre la tête de la révolution du véhicule électrique. Plus de la moitié des pays africains dispose d’au moins un des métaux essentiels (lithium, cobalt, nickel, manganèse, graphite, fer et phosphate) nécessaires pour la production des batteries au lithium utilisées dans les véhicules électriques et pour le stockage de l’électricité.

La demande pour des batteries des véhicules automobiles devrait augmenter d’environ 22 % par an, passant d’environ 8 millions d’unités vendues en 2022 à 39 millions à l’horizon 2030.

Les innovations financières constituent une grande opportunité pour les marchés climato-intelligents et les marchés verts dans le monde, mais elles ne sont pas encore adéquatement exploitées en Afrique.

On a observé au cours de la dernière décennie une forte croissance du recours à des instruments innovants pour le financement vert et le financement durable (obligations sociales, obligations et prêts verts, obligations durables et obligations et prêts liés à la durabilité), tarification du carbone, swaps dette/climat et financement mixte.

Toutefois, à l’exception des prêts verts et des obligations sociales, qui représentent respectivement 2,5 % et 1, 7% du volume mondial total, les parts de l’Afrique dans d’autres types d’instruments de financement vert étaient inférieures à 0,5 %.

Sur environ 2 200 milliards de dollars d’obligations vertes émises dans le monde en 2006-2022, la part de l’Afrique n’a été que de 0,2 % (4,7 milliards de dollars) environ, soit la part la plus faible par rapport aux autres régions du monde.

S’agissant du marché volontaire du carbone évalué à 2 milliards de dollars en 2021, la part de l’Afrique n’a été que de 6,2 % (123 millions de dollars).

L’Afrique a représenté 41 % du financement mixte en 2016-2021, soit la part la plus élevée parmi les régions du monde, suivie par l’Amérique latine, avec 28 %.

Les swaps dette/nature et dette/climat existent sous différentes formes depuis des décennies, mais ils sont devenus plus populaires au cours des dernières années, en particulier étant donné que le coût des emprunts souverains est devenu prohibitif pour les pays africains. Toutefois, le plein potentiel de ces instruments n’a pas encore été exploité par les pays africains.

Pour tirer parti de ces instruments, les pays doivent s’intéresser aux facteurs déterminants du financement climatique privé en Afrique, par exemple les niveaux du financement climatique par le secteur public et le revenu national brut (RNB par habitant), qui est un indicateur du niveau de développement d’un pays, la qualité des infrastructures physiques et des institutions publiques, la taille du marché et le profil de risque associé aux investissements, et l’indice du risque climatique pays. Le rapport a constaté que les pays jouissant de niveaux de RNB par habitant plus élevés, d’investissements publics plus élevés dans les secteurs de développement climato-intelligents, d’institutions publiques de meilleure qualité et d’un état de droit plus solide, ainsi que d’infrastructures physiques de meilleure qualité, attirent plus de financements privés dans les secteurs du climat et de la croissance verte. En revanche, les pays ayant des profils de risque climatique et d’investissement plus élevés attirent moins d’investissements privés.

Le rapport constate un niveau élevé de complémentarité entre les financements climatiques publics et privés en Afrique. Les pays qui investissent davantage dans les infrastructures publiques attirent plus de financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique. Il importe donc de souligner le fait que la pression en faveur d’un surcroît d’investissements privés pour le climat et la croissance verte en Afrique pousse fortement le secteur public à accélérer ses investissements dans ces secteurs également.

Les obstacles du côté de la demande identifiés dans le rapport sont, entre autres : i) l’absence de stratégies réalisables et le manque d’efficacité dans la mise en œuvre ; ii) des structures et institutions de régulation faibles ; iii) l’absence de réserves de projets prêts pour l’investissement ; et iv) l’accès limité aux marchés internationaux.

Du côté de l’offre, les obstacles identifiés dans le rapport sont, entre autres i) l’expérience limitée des marchés africains et la faible performance des investisseurs privés internationaux ; ii) l’asymétrie des informations ; iii) le fait que les marchés africains sont perçus comme des marchés à haut risque, ce qui entraîne des coûts des capitaux et des taux exigés de rendement élevés ; et iv) notations de crédit médiocres attribuables aux obstacles mentionnés. La plupart des pays africains se voient attribuer des notations en dessous de la catégorie d’investissement par les agences de notation extérieures (S&P, Moody’s et Fitch). Mais ces notations sont souvent fondées sur des analyses subjectives.

Le rapport indique, contrairement aux perceptions de risque induites par les notations souveraines des pays africains, que l’Afrique présente le risque de défaillance le plus faible par rapport aux autres régions. Une étude de 14 ans conduite par Moody’s Analytics a révélé que l’Afrique avait le taux de défaillance le plus faible au monde sur les investissements dans les infrastructures, soit 5,5 %. Moody’s Analytics a actualisé ces chiffres en 2020. Le rapport a examiné plus de 8 000 prêts projets consortiaux initiés en 1983 - 2018. Il a constaté que l’Afrique continue d’afficher le taux de défaillance le plus faible par rapport aux principales régions du monde, soit juste 1,9 %. Ce chiffre tranche nettement avec celui de l’Europe de l’Est (12,4 %), de l’Amérique latine (10,1 %), de l’Amérique du Nord (6,6 %), de l’Asie (4,6 %) et de l’Europe de l’Ouest (4,6 %).

Une étude récente du PNUD citée dans les PEA montre effectivement que les pays africains pourraient économiser près de 74,5 milliards en intérêts excédentaires si les notations de crédit étaient fondées sur des évaluations plus objectives des risques.

Le temps est donc venu de passer des perceptions à l’expérience en ce qui concerne les marchés africains.

Les investisseurs privés internationaux et africains sont invités à investir dans la recherche pour le développement (R4D) pour mieux comprendre les marchés africains et pour prendre des décisions d’investissements fondées sur la réalité.

Les appels renouvelés pour la création d’une agence de notation africaine qui fonctionnera en lien avec les agences de notation internationale représentent un pas dans la bonne direction.

 

Au troisième chapitre, le rapport aborde la façon dont le capital naturel peut être exploité pour compléter le financement privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique.

Le rapport constate l’abondance des ressources naturelles que l’Afrique peut exploiter pour financer sa transition vers une économie inclusive, durable et verte.

L’Afrique dispose en abondance de ressources renouvelables et non renouvelables, par exemple 30 % des ressources minérales mondiales, 65 % des terres arables non cultivées, le deuxième fleuve le plus long et le deuxième fleuve le plus grand du monde, soit le Nil et le Congo. La deuxième forêt tropicale la plus grande du monde (le bassin du Congo) et 44,8 % du potentiel technique dans le secteur de l’énergie de sources renouvelables.

Le capital naturel de l’Afrique était évalué à 6 200 milliards de dollars en 2018, mais sa valeur par habitant est en baisse depuis des années, passant de 4 374 dollars EU en 1995 à 2 877 dollars EU en 2018.

Les dotations en ressources naturelles varient fortement d’une région de l’Afrique à l’autre. L’Afrique du Nord détient la part la plus importante (27,1 %), suivie par l’Afrique de l’Ouest (25,5 %) ; l’Afrique australe (20 %) ; l’Afrique de l’Est (16 %) ; et l’Afrique centrale (11,2 %). À la lumière de la performance et des perspectives économiques décrites au premier chapitre, il est clair que les dotations en ressources naturelles ne se traduisent pas en une performance économique forte des pays africains. L’Afrique de l’Est et l’Afrique centrale, qui ont fait preuve d’une plus forte résilience aux nombreux chocs qui se sont fait sentir ces dernières années, ne sont pas les plus riches en ressources naturelles.

 

Le rapport a également constaté que les investissements dans le capital naturel de l’Afrique peuvent appuyer les financements de l’action climatique et de la croissance verte s’ils sont bien exploités.

L’Accord de Paris offre de nombreuses possibilités d’échange de crédits carbone qui appuient le bien-fondé de mesures concertées de la part des pays africains pour développer les marchés de conformité par rapport aux marchés volontaires. Le rapport indique que l’Afrique dispose de 4 840 milliards de dollars EU de crédits carbone si les émissions historiques et le principe des responsabilités communes mais différenciées de l’Accord de Paris sont dûment appliquées.

Le Fonds pour les pertes et les dommages, dont la création a été adoptée à la COP27 afin d’indemniser les pays en développement les plus touchés par les effets défavorables des changements climatiques, offre également des possibilités de flux de ressources pour le financement d’actions climatiques.

Les réductions éventuelles de coût par l’échange de crédits carbone plutôt qu’à travers la mise en œuvre par chaque pays de ses propres CDN se chiffrent à environ 250 milliards de dollars en 2030 et pourraient atteindre 1 000 milliards de dollars en 2050. Ainsi, la mise en place du système des « résultats d’atténuation transférés au niveau international » (ITMO) offre d’énormes possibilités à l’Afrique.

De plus, l’accord relatif à la Convention sur la diversité biologique Kunming-Montréal offre des opportunités. Cet accord vise spécifiquement à accroître les ressources financières internationales à destination des pays en développement et des économies en transition pour les porter au moins à 20 milliards de dollars par an à l’horizon 2025 et au moins à 30 milliards de dollars à l’horizon 2030.

Toutefois, comme l’a fait remarquer M. Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies, seules les promesses tenues comptent. La communauté mondiale doit prendre l’action climatique et les transitions vertes au sérieux en honorant ses engagements et en veillant à ce que le financement climatique atteigne les pays les plus vulnérables aux effets des changements climatiques. C’est de cette façon qu’il sera possible de s’attaquer au défi mondial commun que représentent les changements climatiques et d’éviter la catastrophe climatique imminente. Les conférences, les négociations et les conventions à l’échelle mondiale n’entraîneront pas l’accélération des transitions climatiques et vertes. L’octroi de financements aux pays qui en ont besoin peut contribuer à orienter les politiques et programmes de développement dans la bonne direction.

L’accélération des investissements dans le capital naturel de l’Afrique peut stimuler l’offre de financements climatiques et accélérer les transitions climatiques et vertes en Afrique.

L’initiative de la grande muraille verte, qui profite à 11 pays du Sahel, offre des possibilités de financement pour le piégeage du carbone à travers la plantation d’arbres et peut contribuer à la séquestration de 250 millions de tonnes de carbone et à la création de 10 millions d’emplois verts à l’horizon 2030. Des investissements comme l’Initiative Desert to Power (« du désert à l’électricité ») du Groupe de la Banque africaine de développement et de ses partenaires offrent des possibilités d’exploiter le potentiel en matière d’énergie de sources renouvelables dans les pays du Sahel pour électrifier l’Afrique, créer des emplois et réduire la pauvreté avec des retours sur investissement élevés.

L’Afrique a le potentiel de devenir un fournisseur mondial d’hydrogène vert à bon prix. L’Égypte, la Mauritanie, le Maroc, la Namibie, le Niger et l’Afrique du Sud étudient le lancement de projets de grande envergure de production d’hydrogène, et un mouvement très fort dans cette direction se met lentement en place. Les investissements du secteur privé dans ces projets offrent la possibilité d’assurer une bonne gestion environnementale tout en favorisant des innovations permettant de recueillir les fruits des marchés émergents d’énergie propre en Afrique.

L’Afrique peut fortement progresser dans la chaîne de valeur des batteries et des véhicules électriques en abandonnant l’exploitation de minéraux et de métaux verts qui apporte peu de valeur ajoutée. L’augmentation prévisionnelle de la demande de minéraux verts essentiels (cobalt, cuivre, lithium, nickel, graphite et manganèse) et d’hydrogène vert et des filières économiques connexes dans la chaîne d’approvisionnement des batteries et des véhicules électriques pourrait être prise en compte dans la conception de plans stratégiques de politiques industrielles et de développement à moyen et à long terme.

Cela engendrera des avantages mutuels en matière de durabilité sociale, économique et environnementale, réduira les émissions de gaz à effet de serre et contribuera à la réalisation des objectifs mondiaux de développement durable. Des politiques simples comme la politique du contenu local et le franchisage pourraient favoriser l’implantation d’industries manufacturières vertes dans des communautés qui disposent de minéraux verts, créer des emplois pour les jeunes et les femmes dans ces communautés, réduire la pauvreté, réduire l’exode rural et la migration internationale, limiter l’empreinte carbone des produits verts, réduire les coûts de logistique et d’expédition pour les investisseurs et, en fin de compte, améliorer le rendement ajusté en fonction des risques des investissements dans les transitions vertes en Afrique. Cela représente une solution gagnant-gagnant à la fois pour les pays, les investisseurs et la communauté mondiale.

Le modèle actuel d’extraction débridée des ressources naturelles pour la fabrication de produits finis dans des contrées éloignées, qui sont ensuite expédiés en Afrique, ne favorise pas la durabilité économique, sociale ou environnementale.

Encore une fois, l’Afrique a besoin de ressources suffisantes pour exploiter ses ressources naturelles et réaliser le développement économique et social dont ses pays ont tant besoin, ainsi que des biens d’intérêt public pour préserver le patrimoine mondial.

Les immenses richesses naturelles de l’Afrique sont connues, mais il existe des obstacles fondamentaux qui entravent l’exploitation de ce capital naturel aux fins de développement économique et social.

Les obstacles fondamentaux relevés dans le rapport sont, entre autres i) l’absence d’évaluation et de comptabilisation du capital naturel, ce qui contraint les pays à proposer des ressources très sous-évaluées sur les marchés ; ii) le manque de capacité de gouvernance des ressources, ce qui engendre des structures et des institutions de régulation faibles ; iii) des modèles de financement mal adaptés, des défaillances des marchés et des marchés manquants, ce qui engendre une sous-tarification importante des actifs naturels de l’Afrique sur les marchés mondiaux ; iv) des flux de ressources illicites à cause du crime organisé et du vol, ce qui occasionne de grosses pertes de revenus provenant des ressources ; v) l’évitement fiscal ; les flux financiers illicites, qui privent l’Afrique d’environ 90 milliards de dollars EU annuellement ; et les conflits et l’instabilité politique attribuables aux ressources.

Il est de plus en plus établi que les niveaux de ressources et de flux financiers illicites provenant des pays africains riches en ressources sont beaucoup plus importants que les estimations actuelles. De même, un examen sommaire des conflits en Afrique donne à penser que ces conflits sont fortement liés aux richesses naturelles des pays. Il est recommandé de procéder à des recherches plus poussées et à des audits juricomptables des secteurs extractifs et des exportations de ressources naturelles de l’Afrique.

Permettez-moi maintenant de faire quelques recommandations de politiques et de proposer des mesures essentielles que différentes parties prenantes pourraient prendre pour attirer les investissements privés en faveur de l’action climatique et de la croissance verte en Afrique. Mes recommandations découlent des analyses présentées dans le rapport.

Premièrement, les gouvernements nationaux sont appelés à adopter et à mettre en œuvre des politiques essentielles pour améliorer l’environnement économique des pays, éliminer les risques associés à leurs marchés et promouvoir les financements privés en faveur du climat et de la croissance verte. Certaines des politiques recommandées sont i) une politique monétaire axée sur la lutte contre l’inflation, étayée par la discipline budgétaire et des politiques macroprudentielles ; ii) la gestion coordonnée de la dette ; iii) des réformes et des incitatifs financiers appropriés ; iv) des stratégies à long terme et des feuilles de route pour leur mise en œuvre ; v) mettre en œuvre des politiques industrielles stratégiques : contenu local et franchisage pour promouvoir la production locale de technologies climato-intelligentes et vertes et renforcer la résilience et la diversification des capacités de production locale ; vi) stimuler la mobilisation de recettes intérieures et la gestion des finances publiques pour fermer les fuites ; vii) approfondir les marchés des capitaux et les marchés financiers intérieurs ; viii) investir dans la préparation des projets aux niveaux national et régional ; ix) renforcer l’utilisation des monnaies nationales dans le commerce national et intrarégional pour réduire les risques de change ; et x) étudier des solutions de financement innovantes adaptées aux contextes nationaux telles que le financement mixte.

Deuxièmement, les recommandations à l’intention des banques multilatérales de développement et d’autres institutions de financement du développement sont : i) aligner les opérations sur l’Initiative de Bridgetown ; ii) augmenter l’octroi de financements concessionnels et de dons aux fins de renforcement des capacités ; iii) fournir davantage de capitaux catalyseurs sans porter attention aux risques (par exemple les garanties) ; iv) réévaluer l’appétence pour le risque – Mettre en œuvre les recommandations du panel d’examen du G20 sur l’adéquation des fonds propres ; v) réduire les cibles de rentabilité ; vi) augmenter l’utilisation de mécanismes de financement innovants ; et vii) appuyer des transitions vers le développement durable dans l’ensemble du système pour diversifier les risques.

Troisièmement, voici les recommandations à l’intention des acteurs du secteur privé, des agences de notation et de la communauté internationale. Ils sont invités à assurer le leadership sur les marchés et à orienter les investissements vers l’action climatique et la croissance verte en Afrique. Il est de l’intérêt commun du secteur privé, des agences de notation et de la communauté internationale, que l’Afrique accélère les transitions vers la résilience climatique et la croissance verte. L’Afrique ne contribue pas encore fortement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais le risque d’une augmentation rapide de ses émissions pourrait augmenter dans la mesure où elle s’emploie à réaliser les objectifs de développement économique et social, si les pays ne réussissent pas la transition vers les technologies climato-intelligentes et vertes. Les gaz à effet de serre se mélangent librement dans l’atmosphère et leurs impacts sur le système climatique mondial ne sont pas limités par les frontières nationales ou continentales. Il est impérieux, s’agissant de la durabilité à l’échelle mondiale, de ne laisser personne derrière dans le programme des transitions climatiques et vertes.

Les agences de notation de crédit sont appelées à réexaminer leurs méthodologies et à élargir les cadres de notation pour faire en sorte que les risques pays soient adéquatement pris en compte. Les appels récents en faveur de la création d’une agence africaine de notation montrent que la confiance dans les méthodologies de notation internationales a été ébranlée.

Les pays développés sont appelés à honorer les engagements pris pour protéger notre patrimoine mondial commun. Cela est nécessaire pour renforcer la confiance et encourager la conformité de la part des pays en développement qui disposent de crédits carbone importants et de marges de manœuvre pour augmenter leurs propres émissions dans les limites du budget carbone mondial actuel. L’appui à ces pays pour l’adoption de technologies et de politiques climato-intelligentes et vertes est dans le propre intérêt des pays développés, qui pourraient faire face à des risques élevés d’immobilisation d’actifs s’ils étaient obligés de réaménager des infrastructures existantes pour respecter leurs propres budgets et dettes carbone en vertu des dispositions de l’Accord de Paris sur le climat.

Les pays développés, le secteur privé et les agences internationales de notation sont appelés à promouvoir et à appuyer collectivement la réforme de l’architecture de financement mondiale pour remettre les flux de financement climatique publics en adéquation avec la vulnérabilité et les risques climatiques. Dans le modèle actuel, le financement climatique est orienté vers les pays qui sont moins vulnérables aux effets des changements climatiques et privilégie l’atténuation. Cela donne lieu à d’importants déficits de financement pour l’adaptation climatique et pour d’autres secteurs d’importance capitale pour la réalisation de l’Accord de Paris sur le climat et des ODD dans les pays en développement.

L’appui aux réformes qui visent à ce que les banques multilatérales de développement soient adéquatement capitalisées et en mesure d’utiliser leurs fonds propres pour catalyser un surcroît d’investissements privés dans les transitions climatiques et vertes en Afrique serait un pas dans la bonne direction.

Conjointement avec les BMD, les IFD et les secteurs privé et public, une architecture financière mondiale réformée orientant les flux de ressources vers la lutte contre les vulnérabilités climatiques et le renforcement des capacités d’adaptation des pays pourrait entraîner une augmentation considérable des volumes de financement climatique et accélérer les transitions vertes en Afrique. Sans cela, il ne sera pas possible de réaliser les objectifs de développement durable.

Pour résumer, je voudrais rappeler les recommandations de haut niveau déjà présentées par M. Akinwumi Adesina, président du Groupe de la Banque africaine de développement, dans son allocution d’ouverture.

Premièrement, les pays devraient élaborer des plans nationaux de développement clairs et correctement chiffrés pour la transition climatique et verte en tenant compte de leurs propres réalités.

 

Deuxièmement, les pays devraient mettre en œuvre des incitations budgétaires (par exemple des subventions intelligemment ciblées) pour encourager les industries climato-intelligentes et vertes, stimuler la croissance et augmenter la demande, la rentabilité et la durabilité.

Troisièmement, les institutions financières multilatérales et bilatérales devraient fournir des garanties à grande échelle pour éliminer les risques associés aux investissements du secteur privé dans les projets climato-intelligents et verts en Afrique.

Quatrièmement, les institutions financières multilatérales et d’autres institutions de financement du développement devraient aider les pays à développer des réserves de projets climato-intelligents et verts bancables avec des taux de rendement élevés ajustés en fonction des risques pour le secteur privé.

Cinquièmement, les infrastructures existantes financées par le secteur public devraient être transférées au secteur privé – ce que nous appelons recyclage d’actifs – pour mobiliser davantage de ressources du secteur privé à l’appui d’infrastructures plus vertes.

Le Groupe de la Banque africaine de développement pilote l’élaboration de plusieurs instruments de financement innovants pour la mobilisation de financements privés en faveur de l’action climatique et de la croissance verte en Afrique, et certains de ces instruments ont été sommairement abordés dans le rapport.

 

Excellences, Distingués invités, Mesdames et Messieurs. Merci pour votre présence ici aujourd’hui. Je vous invite à lire les PEA 2023. Le rapport connexe axé sur les perspectives régionales et les perspectives pays sera lancé en juin et juillet 2023 et comprendra des analyses plus approfondies qui éclaireront la prise de décisions sur les politiques et les investissements aux niveaux régional et national.

Dieu aime l’Afrique. L’Afrique est un continent présentant de nombreuses opportunités d’investissement qui offrent des rendements élevés ajustés en fonction des risques. Toutefois, la perception du risque fondée sur une information asymétrique et des obstacles structurels persistants dans certains pays découragent les investissements dans les transitions vertes en Afrique.

Les investisseurs intelligents investissent en Afrique. Conjugués à des politiques et à des décisions d’investissement fondées sur des faits probants solides, les investissements verts en Afrique peuvent contribuer à la réalisation des objectifs de durabilité sociale, économique et environnementale à des taux de rendement élevés ajustés en fonction des risques et avec un faible taux de défaillances.

Mettons-nous ensemble pour développer les potentialités de l’Afrique et accélérer la croissance climato-intelligente et verte en Afrique, sans quoi il ne sera pas possible de réaliser les objectifs mondiaux de développement durable.

 

Je vous remercie.

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