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Table ronde de haut niveau - Vers une architecture financière internationale équitable - Allocution de M. Akinwumi A. Adesina, président du Groupe de la Banque africaine de développement à l’Assemblée générale des Nations unies

  • Mardi, le 19 septembre 2023
25-sep-2023

Excellences,

L’architecture financière mondiale entrave le développement de l’Afrique de cinq manières.

Premièrement, les ressources qu’elle fournit ne sont pas d’une ampleur suffisante pour permettre à l’Afrique de réaliser ses priorités en matière de croissance et de développement. L’Afrique est confrontée à un déficit de financement de 1 200 milliards de dollars à l’horizon 2030 pour financer ses objectifs de développement durable.

Deuxièmement, elle ne fournit pas un financement climatique à l’échelle nécessaire pour permettre à l’Afrique de s’adapter aux changements climatiques. L’Afrique, qui ne contribue qu’à hauteur de 3 % aux émissions mondiales [de gaz à effet de serre], souffre de manière disproportionnée des changements climatiques, avec des pertes annuelles de 7 à 15 milliards de dollars, qui devraient atteindre 50 milliards de dollars d’ici 2030. Pourtant, l’Afrique est confrontée à un déficit de financement climatique de 213 milliards de dollars par an jusqu’en 2030.

Troisièmement, il est difficile de parvenir à une restructuration ordonnée de la dette, car celle-ci est désordonnée, traîne en longueur et est coûteuse, ce qui pose de sérieux risques pour les pays africains confrontés au surendettement.

Quatrièmement, elle biaise la répartition des ressources financières internationales d’urgence en faveur des pays les plus riches qui en ont le moins besoin. Par exemple, sur les 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) émis par le Fonds monétaire international (FMI), l’Afrique n’a reçu que 33 milliards de dollars, soit 4,5 %.

Cinquièmement, elle apporte des réponses budgétaires inégales aux pays en développement en cas de chocs mondiaux, comme l’illustre la pandémie de Covid-19. Alors que le montant total des mesures budgétaires prises pour lutter contre la pandémie s’élevait à 17 000 milliards de dollars, soit 19 % du PIB mondial, l’Afrique n’a reçu que 89 milliards de dollars, ce qui représente 0,5 % de la valeur mondiale.

Comment rendre l’architecture financière mondiale plus équitable ?

Je voudrais aborder cinq points.

Premièrement, pour augmenter les financements en faveur du développement mondial, il faut tirer parti du secteur privé, en particulier des 145 000 milliards de dollars d’actifs gérés par les investisseurs institutionnels. Les banques multilatérales de développement doivent donc déployer des instruments d’atténuation des risques, y compris l’atténuation des risques de change, pour tirer parti des milliers de milliards de dollars gérés par des investisseurs institutionnels pour des projets liés au climat.

Deuxièmement, l’architecture mondiale du financement climatique doit être simplifiée, mieux coordonnée, et renforcer la capacité des pays à accéder aux fonds climatiques. Des clauses d’urgence devraient figurer dans tous les prêts, afin d’exonérer les pays du remboursement des prêts lorsqu’ils sont confrontés à des chocs climatiques.

Troisièmement, les banques multilatérales de développement doivent modifier leurs modèles économiques afin de fournir aux pays des volumes plus importants de financements concessionnels, et le cadre commun du G20 sur la résolution de la dette doit être accéléré afin de permettre une restructuration et une résolution plus rapides de la dette.

Quatrièmement, pour fournir davantage de financements, les banques multilatérales de développement doivent être mieux capitalisées. Pour ce faire, elles doivent augmenter leur base de capital, en particulier par le biais de fortes augmentations du capital libéré, dont elles ont besoin pour obtenir davantage de financements.

Cinquièmement, les droits de tirage spéciaux (DTS) des pays donateurs de DTS devraient être réacheminés vers les banques multilatérales de développement. Le modèle de réacheminement des DTS vers les banques multilatérales de développement (BMD) développé par la Banque africaine de développement et la Banque interaméricaine de développement permet de multiplier par 3 ou 4 la valeur des DTS grâce à l’effet de levier, tout en préservant la qualité d’actif de réserve des DTS. Ce qu’il faut maintenant, c’est que cinq pays donateurs forment un groupe et réacheminent des DTS vers l’Afrique par l’intermédiaire de la Banque africaine de développement. Par exemple, un réacheminement de 25 milliards de dollars de DTS générerait 100 milliards de dollars de financement supplémentaire pour l’Afrique.

Le réacheminement des DTS ne coûte rien aux contribuables des pays donateurs et ne présente aucun risque de perte. Le réacheminement des DTS par l’intermédiaire des BMD est le meilleur modèle disponible pour mobiliser et fournir les milliers de milliards de dollars nécessaires pour accélérer le développement. Par exemple, l’émission de 500 milliards de dollars de nouveaux DTS pour lutter contre les changements climatiques, si ceux-ci sont réacheminés par l’intermédiaire des BMD, permettra de fournir 2 000 milliards de dollars de financement pour le développement mondial. Cela viendra compléter les efforts du FMI.

Pour parvenir à un monde plus juste et équitable, nous devons modifier la structure, la conduite et la performance de l’architecture financière mondiale.

Notre avenir collectif en dépend !

À nous de jouer !

Je vous remercie.

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